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Be Q&A : Comment évaluer la valeur de son fonds de commerce Horeca ?

Pas toujours facile d’évaluer ce type de « bien ». Entre éléments matériels et immatériels, comment trouver la solution médiane ?

Si, la valeur de diverses choses de la vie quotidienne sont plus moins faciles à estimer sur base d’éléments factuels et concrets, autant évaluer un fonds de commerce reste une gageure. Une maison, une voiture, une montre, un meuble ont une valeur aisément évaluable sur base d’une situation, de finitions, d’un état, d’un kilométrage, et certains en ont même fait un métier. Mais, à l’inverse de beaucoup d’actifs, le « fonds de commerce », bien qu’étant rangé dans la catégorie des « actifs », n’en a de tangible que le mot. En effet, le fonds de commerce est un ensemble d’actifs matériels (outillage, mobilier, machines, etc…) et surtout immatériels (marque, clientèle, chiffre d’affaires, réputation, …) destinés à retenir une clientèle. Il en ressort qu’estimer la valeur d’un fonds revient à en estimer quantité d’éléments intangibles et flous, relevant d’une approche très aléatoire, bref, cela revient à estimer du « vent » ! Mais un vent favorable peut vous mener à de beaux succès…

Vendeur et acheteur rament… en sens contraire

Be- Q & A
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Bien sûr, vendeur.euse.s et acheteur.euse.s auront une approche opposée : les premier.e.s essayeront d’en tirer le maximum, les second.e.s de payer le moins possible. Quoi de plus normal dans un monde où le concept même de « fonds de commerce » s’érode. Dans la pratique actuelle, nous constatons un nombre décroissant de développeurs prétendant reprendre un établissement pour ce qu’il est, en l’inscrivant sur la continuité et la durée, exception faite toutefois des institutions et affaires à gros gabarits, lesquelles se monétisent toujours à hautes valeurs. Beaucoup souhaitent casser les codes et créer leur propre projet. Mais pour accéder à certains types d’emplacements et certains quartiers, il faudra à tout développeur.euse Horeca comprendre la dynamique du marché et passer par la case « payer ». L’inévitable loi de l’offre et de la demande joue ici un rôle prépondérant, comme dans tout marché, et surtout dans les quartiers les plus plébiscités. Ainsi, la valeur d’un fonds sera théoriquement plus élevée sur la Place Flagey à Ixelles que dans la rue de Vergnies voisine, au même titre qu’elle sera plus élevée sur la Place Sainte Catherine à Bruxelles que sur le Quai aux Briques tout proche.

Tant qu’un acheteur.euse sera prêt à payer un prix (trop) élevé pour un fonds, un vendeur.euse sera prêt.e à le lui vendre à ce même prix. Ce fameux prix, souvent surévalué que tout vendeur.euse annonce en début de processus de vente, déclarant à qui veut l’entendre que « tout est à vendre, ça dépend du prix ». Et comme le dit l’adage, « chaque jour un pigeon se lève ». Mais faute d’obtenir ce prix théorique, tout vendeur.euse sera contraint de se plier, lentement mais sûrement, aux offres successives qui lui seront faites, offres qui sont le parfait reflet du marché Horeca à cet instant.

« Cela revient à estimer du « vent » ! Mais un vent favorable peut vous mener à de beaux succès… »

Et dans les faits, ça donne quoi ?

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Si fixer la valeur d’un fonds de commerce Horeca reste un exercice complexe, des gens de métiers (notamment le cabinet Sorgeloose & Trice) peuvent se targuer de baigner dans ce monde merveilleux depuis plusieurs décennies. Il en résulte une connaissance fine dans leur chef du marché au jour le jour, et une vision claire des prix de vente obtenus sur base de différents facteurs (bien différents des prix de vente « affichés » sur différents sites, lesquels sont souvent pris en compte, erronément, par le quidam pour fixer son prix de vente). Et ces facteurs sont aussi nombreux que créatifs, dans la mesure où chacun appréciera le prix à l’aulne de son propre projet.

Précisons que tout conseiller.ère, courtier.ère, intermédiaire qui vous renseignera sur une valorisation sera à voir, pour peu qu’il soit sérieux.se et compétent.e, comme un reflet du marché, marché qu’il/elle fréquente et travaille quotidiennement. Aucun courtier.ère ne peut affirmer avec aplomb et certitude ce que vaut exactement un fonds de commerce, car aucune valeur n’est ni absolue ni exacte. Il/elle ne peut qu’en évaluer un prix théorique, lequel sera ensuite confronté à la réalité du marché, souvent divergente. Seuls.es certain.e.s réviseur.euse.s osent se prêter à cet exercice avec certitude, mais la pratique nous démontre que leurs formules de calculs sont souvent biaisées et les résultats de leurs valorisations souvent bien au-delà du prix de marché. Mais ceci est une autre histoire…

Si nous devions à présent lister les facteurs les plus importants influençant la valeur d’un fonds, le top 3 se présenterait comme suit : l’or pour le niveau de chiffre d’affaires et sa tendance au fil des ans, l’argent pour l’emplacement géographique (quartier en plein boom ou quartier en déperdition), et le bronze pour l’état général du bien (casco / à rénover en profondeur ou en état irréprochable). Le chiffre d’affaires reste, selon nous, l’élément principal, voire la colonne vertébrale à laquelle se greffer pour la fixation d’un prix de vente.

À ce podium s’ajoute ensuite un peloton de facteurs secondaires, mais néanmoins importants pour beaucoup d’acheteurs : la qualité du bail commercial, sa durée résiduelle, l’existence ou non de contrats d’obligations (brasserie, alcool, café, etc…), l’état général du matériel d’exploitation, la rentabilité de l’établissement, l’existence d’un espace extérieur d’exploitation, la conformité / régularité urbanistique, la facilité d’accès et/ou de parking, le style général de la bâtisse, la largeur de façade, le niveau de coût du personnel, l’ancienneté du personnel, etc… mixez et shakez ces ingrédients avec vigueur, et vous obtiendrez un chiffre précis, réalité théorique à adoucir et rafraîchir de quelques glaçons et d’une feuille de menthe.

« Évaluer le juste prix est complexe car chacun.e aura sa propre vision de ce qui est juste »

Soyons précis

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Évaluer le juste prix est complexe car chacun aura sa propre vision de ce qui est juste. Oubliez toutefois les professionnel.le.s qui vous promettent 100% à 150% de votre chiffre d’affaires en guise de prix ou des multiples d’EBITDA (en français dans le texte Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) délirants. Autant attendre Godot. Si ces méthodes peuvent relever de justesse dans certains marchés voisins (Paris par exemple), cela n’est en rien le cas sur le marché belge, dont Bruxelles reste la place la plus propice où obtenir de « beaux » prix.

Néanmoins, ces 2 techniques précitées restent les plus réalistes : fixer un prix de vente sur base d’un ratio du chiffre d’affaires annuel reste à nos yeux LA base. Une autre technique consiste en la fixation d’un multiple de l’EBITDA, étant un ratio comptable permettant d’évaluer le chiffre d’affaires diminué des différentes charges courantes. Ce ratio met dès lors en exergue le réel profit généré par l’entreprise, sans tenir compte de ses contraintes fiscales ou de sa politique d’investissement, en résumé donc, sa profitabilité.

Partez sur une base réaliste, et faites l’exercice des avantages et inconvénients sur 2 colonnes, prenant soin de prendre en considération les nombreux éléments cités plus haut. Si le cœur vous en dit, pondérez ces éléments en fonction de l’importance que vous souhaitez leur accorder. Dans la méthode du ratio du chiffre d’affaires annuel, si vous souhaitez être précis, prenez en compte la moyenne des 3 derniers exercices, et si ce chiffre est en progression constante, évitez la moyenne et tenez-en compte. Si le Covid est passé par là, nous éviterons de tenir compte de ces années particulières qui ne reflètent aucune réalité d’un marché normal. Le marché table sur des ratios allant de 20% à 50% du chiffre d’affaires, (très) rarement plus. Dans la méthode des multiples d’EBITDA, cela peut aller de 4 à 6.

Ces méthodologies vous garantissent de ne pas raconter d’âneries en annonçant un prix, mais soyez certains, en tant qu’acheteur, que vous ferez tôt ou tard face à quantité de dossiers faisant mentir ces théories, où les ratios / multiples seront bien plus élevés. Cela tient au fait que d’autres facteurs, moins spécifiquement économiques, y sont prépondérants : un bail commercial bétonné de longue durée, un espace grandiose même s’il est à rénover en profondeur, une bâtisse au style inimitable, un loyer ridiculement bas, une institution très courue à voir comme un trophée, … combien de dossiers avons-nous vu passer où, malgré un bilan catastrophique et un état déplorable de l’équipement, des acheteurs ont brisé leur tirelire pour se l’offrir.

Une fois ce prix fixé correctement et validé par vos conseils, encore faudra-t-il trouver l’acheteur ramant dans le même sens que vous ! Si vous êtes acheteur.euse, doutez-vous bien que vos beaux yeux et votre argumentaire de choc sur votre nouveau concept ne recevront généralement qu’un accueil tiède voire froid. Un vendeur.euse vend ce qu’il possède, et n’envisage pas, sauf urgence ou péril, de négocier largement à la baisse car pour votre concept inédit de glacier vous n’avez pas besoin de sa toute nouvelle cuisine professionnelle. Une opération se conclura si elle est Win Win, et vue comme telle par chacune des parties. Enfin, écoutez les conseiller.ère.s et courtier.ère.s auxquels vous faites appel : ils/elles ne sont pas là pour faire perdre de l’argent, mais pour vendre au prix du marché. N’oubliez pas non plus que le temps qui passe c’est de l’argent et des opportunités qui passent également. Pour conclure : il y a un acheteur.euse pour chaque affaire, le seul élément pouvant les éloigner est une méconnaissance du prix à annoncer. Affaire à suivre…