Fédération Horeca Bruxelles Nouvelles Be Horeca Be-nightlife : Les réponses du monde de la nuit aux agressions et au harcèlement
Be Horeca

Be-nightlife : Les réponses du monde de la nuit aux agressions et au harcèlement

Par Martin Stameschkine

Quelle stratégie adopter face aux violences sexuelles et au harcèlement dans son établissement festif ? La question se pose depuis plusieurs années et différentes structures proposent des formations pour élaborer des protocoles concrets. Décryptage.

 

Environ 91% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexiste, selon un dernier bilan de Plan International Belgique. Pour plus de 80% d’entre elles, le harcèlement s’apparente à des sifflements et des commentaires sexistes, tandis que pour plus d’une sur trois, le harcèlement se traduit par des attouchements non consentis. Les éléments de l’enquête régionale de sécurité menée par safe.brussels vont dans le même sens : ce sont les femmes qui se déclarent plus souvent victimes de situations de harcèlement dans l’espace public avec un caractère sexuel ou sexiste. Confronté au phénomène, le monde de la nuit bruxellois tente de le contrer depuis plusieurs années avec l’aide de structures spécialisées. Parmi celles-ci, on retrouve le Plan SACHA, né en 2018 lors du festival Esperanzah!. Un projet qui s’est depuis élargi aux structures festives au sens large (bars, boîtes de nuit, cercles étudiants,…) pour fournir à leurs équipes une boîte à outils adéquate.

De la nécessité d’un protocole établi

Nos formations vont tout d’abord permettre de mettre à plat pour toute l’équipe ce qu’est le harcèlement. Comment les discriminations se créent-elles? Qu’est-ce qui constitue une discrimination ? Et ce, afin que toutes les personnes appartenant à une même structure, puissent avoir la même perception de ce que signiifie le harcèlement sexuel ou une attente à l’intégrité sexuelle”, détaille Inès Ayyadi, chargée de formations pour le plan SACHA. En premier lieu, l’équipe d’un établissement va apprendre collectivement à identifier les violences, en parlant notamment de consentement, de la culture du viol, de transidentité ou de discrimination croisée – à savoir le lien entre racisme et violence sexuelle.

Quand on veut organiser une soirée, un concert ou un très gros événement, il faut préparer son équipe de la même manière que pour un plan d’évacuation incendie

Après cette première approche et la présentation d’une partie théorique, place à un deuxième module qualifié de théâtre-action. Le personnel est alors invité à se mettre en mouvement pour apprendre à réagir et à adopter les attitudes adéquates selon qu’on lui rapporte des faits ou qu’il est directement témoin de violences. Cette journée de formation va également servir à élaborer une ébauche de charte et de protocole propre à l’établissement pour gérer les différents types de situation. “Créer un protocole de manière collective, avec tous les membres de l’équipe, va permettre d’instaurer une posture solidaire et un sens des responsabilités”, souligne Inès Ayyadi. Une vision partagée par Léa Dagbahio, gestionnaire de projets pour la boîte de nuit UMI, qui a suivi un atelier donné par le Plan SACHA. “Cette journée a renforcé les liens entre l’équipe et nous a encouragés à créer des moments de rencontres et de partages”, insiste-t-elle.

Le protocole mis en place est considéré comme une véritable boussole qui régit les différents aspects d’un établissement, qu’il s’agisse du bar, de l’entrée ou de la piste de danse. Chez UMI, la réflexion a même été poussée jusqu’à des zones dépourvue de public mais tout aussi cruciales : “La rédaction du protocole nous a rassuré dans les démarches à suivre et a permis de rédiger des protocoles pour d’autres aspects du club comme : un protocole backstage, un protocole zone technique (régie lumière, son)”, détaille Léa Dagbahio.

Faire appel à une care team

Parmi les formations proposées, il faut distinguer les journées réservées exclusivement  au personnel d’un établissement et de celles destinées à la formation des care teams (des équipes spécialisées constituées de bénévoles). “On fonctionne au cas par cas, mais les petites structures ont souvent recours à la première formation pour leurs équipes. Tandis que sur les grands événements, le recours à une care team est vivement recommandé”, tranche Inès Ayyadi.

AutoDéfense

Identifier et être identifiable

Tout dépend donc de la jauge de votre événement et de sa taille. Mais pour une boîte de nuit qui accueille un public dense et varié, il est préférable de mettre en place une care team clairement identifiable, qui porte un uniforme ou des chasubles lumineuses, dans une zone où le public peut se diriger en cas de souci. “Il peut aussi y avoir une équipe mouvante, qui se déplace. Elle pourra à la fois s’immiscer dans la foule, intervenir elle-même ou juste discuter avec le public. Au-delà des agressions, elle peut contribuer également à la réduction des risques, à s’assurer que les gens n’ont pas trop consommé ou leur rappeler qu’il y a de l’eau au bar”, souligne Inès.

À la question de savoir si un établissement peut créer à lui tout seul un protocole, Inès rappelle l’extrême nécessité d’avoir recours à des structures spécialisées : “C’est vraiment risqué, à la fois pour l’établissement et pour le personnel qui, peut se retrouver face à des situations vraiment violentes et ne pas savoir comment réagir. C’est dangereux, tant au niveau physique que psychologique.” La formatrice insiste sur l’importance du protocole collectif : “Dans la mesure du possible, il est vraiment utile de réunir toutes les équipes d’un établissement ou d’un événement et de leur donner les mêmes informations, les mêmes outils et avec l’aide d’un acteur externe.”

Quels incitants ?

Les formations destinées au personnel ou aux bénévoles d’établissements festifs ne sont en aucun cas obligatoires, mais devraient-elles le devenir ? “On aurait bien sûr à gagner que les pouvoirs publics les rendent obligatoire, quitte ensuite à donner aux établissements les moyens pour y accéder si l’investissement financier est trop important. De nombreux établissements et organisateurs d’événements ont déjà pris les devants. Mais je pense qu’il y a des structures qui auraient besoin d’être davantage incitées.”

Join the Fam, pour une nuit bruxelloise plus sûre

La Fédération Horeca Bruxelles s’associe à equal.brussels et à l’initiative “Join the Fam”, campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexiste et les violences sexistes et sexuelles dans l’espace public et le monde de la nuit. Vous souhaitez participer à une journée de formation avec l’équipe du plan SACHA ?

Plus d’infos : secretariat@fedhorecabruxelles.be.

Que peut-on faire concrètement lorsqu’on est témoin de harcèlement ?

La méthode des 5D

Distraire : Le témoin fait diversion afin de détourner l’attention de l’agresseur. Les possibilités sont diverses selon la situation en cours : faire semblant de connaître la victime, faire du bruit, montrer quelque chose du doigt, faire semblant de connaître la personne harcelée, se mettre à chanter, demander l’heure…

Documenter : Sans se mettre en danger soi-même, pouvoir filmer une scène de harcèlement est très important pour la victime, car cette vidéo pourrait constituer une preuve recevable si elle dépose plainte à la police. Il faut veiller à pouvoir identifier les personnes sur la vidéo et à énoncer à voix haute la date, l’heure et l’endroit de l’agression afin de rendre ces preuves plus concrètes. Par contre, il est important de rappeler que publier ce genre de vidéo en ligne et sur les réseaux sociaux sans l’accord des figurant.e.s peut être qualifié de diffamation, voire constituer de la victimisation secondaire pour la victime.

Diriger : Il s’agit de s’adresser directement à l’agresseur en lui parlant d’une façon forte et autoritaire et en lui demandant d’arrêter, ce qui peut le décontenancer et le faire fuir.

Déléguer : La ou le témoin cherche de l’aide auprès des personnes présentes ou encore contacte des figures d’autorité à proximité (gérant.e de bar ou restaurant, personnel de sécurité dans une boîte de nuit). C’est une méthode qui peut être utile quand la situation semble risquée pour soi-même, et qui permet tout de même d’aider la victime.

Dialoguer : Quand on est témoin d’une situation de harcèlement et que l’agresseur est parti, il peut être bénéfique pour la victime de s’assurer qu’elle va bien, et de l’aider dans le cas contraire.

 

Quitter la version mobile