Be Horeca

Be-Tradition : La saga Art Blanc

Restauration, bar, clubbing, événementiel, hôtellerie… de père en fils, les Blanchart multiplient les métiers. Passionnés et ambitieux, les frérots Jérôme et Jonathan jonglent entre établissements bien mijotés et projets frémissants dans leur groupe Art Blanc. Rencontre.
Interview de Jérôme Blanchart par Romane Henkinbrant

 

Quelle est la stratégie d’Art Blanc en terme d’acquisition d’établissements ?

J.B.: Pendant une dizaine d’années, mon frère et moi nous sommes développés chacun de notre côté par opportunisme, sans réelle stratégie. Il faut se le dire, nous avons toujours eu beaucoup de chance car nous avons acquis énormément d’expérience auprès de notre père. En 2019, nous avons décidé d’unir nos forces en créant le groupe Art Blanc. Nous nous sommes rapidement demandé quelle vision nous voulions lui donner. Notre envie n’était pas de faire uniquement dans la tendance, dans le moderne, tout nouveau, tout frais. Avec mon frère, nous aimons plutôt l’authenticité, les choses simples

Lorsqu’on cherche un nouveau lieu, on essaie de trouver des « triple A » : soit par leur situation, soit par leur volume ou leur décor. Les Brasserie Georges sont un excellent exemple : c’est une brasserie d’époque au style vieillot mais totalement au goût du jour (décor), accueillant près de 300 couverts (volume) et située dans un super quartier (situation).

Par ailleurs, nous essayons toujours de répondre à une demande locale. On développe actuellement un nouvel établissement d’inspiration latino à Waterloo. Cette commune du Brabant Wallon compte environ 30.000 habitants, 125 points Horeca dont une soixantaine de restaurants, parmi lesquels 10 pizzerias, 10 restaurants de burgers… On voulait proposer quelque chose de nouveau en se demandant quelles étaient les tendances qui n’étaient pas encore disponibles à Waterloo et susceptibles de plaire au plus grand nombre.

Une étude de faisabilité se met en place à chaque nouveau projet. Tous nos lieux sont différents : ils ont un ADN particulier, une tarification spécifique, une clientèle cible, un service qui leur est propre. On ne veut pas se coller une étiquette : selon nous, un lieu puise sa force dans l’environnement où il se trouve.

Pourquoi vous êtes-vous intéressés au monde de la nuit ?

J.B.: J’ai commencé dans le secteur de la nuit en ouvrant le Stamp à Waterloo quand j’avais 16 ans. Aujourd’hui, le Spirito et le Mirano, deux endroits emblématiques à Bruxelles, font partie du groupe. Le monde de la nuit a toujours été une grande source d’inspiration et un réel moteur pour nous : contrairement à la restauration dont le concept est plus ou moins ancré, un établissement de nuit doit sans cesse se réinventer pour s’adapter au marché. Travailler avec un public jeune nous permet d’être au courant des tendances, de rester agiles dans notre réflexion et de constamment nous remettre en question.

Quel est l’état du marché bruxellois et quelles sont ses spécificités ?

J.B.: Il y a beaucoup d’opportunités à Bruxelles mais aussi beaucoup plus de difficultés. Chez Art Blanc, on essaie de ne pas investir dans l’hypercentre car il y a beaucoup trop de problématiques. Quand on ouvre un établissement et que l’on a besoin d’une banque, elle vous demande quels sont les risques. Lorsque vous y ajoutez les travaux, grèves, manifestations, plan Good Move… votre plan financier devient noir. Sachant que deux mois de mauvaise gestion d’un établissement peuvent tuer sa rentabilité sur l’année… on a pas envie de prendre ce risque. Par contre, il y a beaucoup de nouvelles tendances qui se développent dans la Capitale et Bruxelles réagit très vite grâce à une très bonne communication. Et puis, il n’y a rien à faire : avec plus d’un million d’habitants, le public est là.

 “Les endroits qui se développent le mieux sont ceux où il y a le plus de propositions.” 

Qui sont vos principaux concurrents et comment vous positionnez-vous vis-à-vis d’eux ?

J.B.: On ne voit jamais les autres établissements qui ouvrent comme des concurrents mais plutôt comme une force. En voyageant, j’ai constaté que les endroits qui se développent le mieux sont ceux où il y a le plus de propositions : plus d’offre égal plus de demande. On le voit dans le monde de la nuit : depuis la crise COVID-19, le secteur échange constamment sur des projets de développement, de stratégie, de communication commune et je pense que ça donne de la force à toutes les boîtes de Bruxelles. La preuve, on avait le Spirito et on a acheté le Mirano : l’idée n’était pas de nous cannibaliser mais de nous renforcer. L’un propose une offre que l’autre ne propose pas. C’est comme ça qu’on essaie de se positionner avec les concurrents : on regarde ce qu’ils font pour développer quelque chose de différent.

Comment gérez-vous les difficultés liées au recrutement et au maintien du personnel dans l’horeca ?

J.B.: Chez Art Blanc, c’est le principe de méritocratie qui prévaut: on essaie de ne pas engager du personnel extérieur mais de former nos équipes pour les faire évoluer. Si nos collaborateurs ont cette volonté, on propose des formations accélérées pour leur permettre par exemple de commencer commis et de passer directeur.rice d’établissement en 5 à 8 ans. Notre avantage réside dans le fait d’être en communication constante car on est sur nos lieux : on écoute les idées et on essaie de les mettre en pratique pour construire un projet commun. Ce sont deux de nos plus grandes valeurs et ça nous permet d’avoir des collaborateur.rice.s épanoui.e.s et fidèles à l’entreprise. Parmi environ 400 personnes travaillant dans nos établissements en Belgique, 98% d’entre elles étaient toujours avec nous à la fin de la crise sanitaire. Nous en sommes très fiers mais ce serait un mensonge de dire qu’il n’y a pas eu de difficultés et que les gens ne partent pas de chez nous.

“Les clients ne viennent pas chez nous uniquement pour se nourrir mais pour vivre une expérience à 360°.”

Quels sont vos ambitions pour Art Blanc ?

J.B.: On ne va pas continuer à développer la nuit mais plutôt la restauration de tous les jours et festive mais aussi les bars dansant et lounge. On a repris Chez Eddy en janvier (une brasserie de quartier assez tradi à Rhode-Saint-Genèse), un nouvel établissement ouvrira fin 2023 à l’emplacement du restaurant La Pomme à Waterloo, puis une autre adresse – encore gardée secrète – à Ixelles, ainsi qu’un resto familial sur l’ancien site du Stamp à Waterloo. On est également en train de développer Gaya Collection, une filiale parallèle à Art Blanc via laquelle on souhaite ouvrir des boutiques hôtels 5 étoiles de 40 à 65 chambres, principalement en Europe.

Il est important de se remettre continuellement en question et ne pas croire que ce qu’on fait depuis 20 ans est ce qu’il y a de mieux. Notre métier évolue. Pendant la crise sanitaire, les gens ne sont pas morts de faim : la restauration n’est pas indispensable mais un plaisir. Les clients ne viennent pas chez nous uniquement pour se nourrir mais pour vivre une expérience à 360° et c’est ce qu’il faut pouvoir leur offrir aujourd’hui.

Art Blanc en quelques mots…

Lancé en 2019 par Jérôme et Jonathan Blanchart, le groupe Art Blanc compte aujourd’hui 10 établissements actifs, répartis entre Bruxelles et le Brabant Wallon, ainsi qu’un hôtel à l’Île Maurice : L’Amusoir, le Bar de l’Amusoir, le Chalet de l’Amusoir, les Brasseries Georges, la Cocotte Belge, Chez Eddy, le Spirito, le Mirano, la Maison Basse, le Couloir et l’hôtel 20 Degrés Sud. Le département événementiel est chargé de la privatisation des salles, tout en offrant un accompagnement personnalisé dans la conception d’événements privés ou professionnels.

www.artblanc.be