Formé aux Beaux-Arts, Damien Overputte a trouvé avec le végétal sa voie d’expression. Sous ses doigts, fleurs et plantes se muent en œuvres d’art, que l’on peut admirer, entre autres, dans une dizaine de beaux palaces bruxellois. Une profession à part, dont il a appris les secrets aux côtés de Daniel Ost.
Interview Sigrid Descamps. Photos : Damien Overputte – Do Flowers.
Be-Horeca : Les fleurs, vous êtes tombé dedans quand vous étiez enfant ?
Damien Overputte : Pas du tout (il rit). J’ai étudié les Beaux-Arts – le dessin, la peinture et la sculpture – à l’IATA, à Namur. J’excellais dans chaque discipline, mais je ne trouvais pas « ma » matière, celle avec laquelle m’exprimer. En accompagnant ma mère à un atelier floral, j’ai eu une révélation. J’ai alors suivi des cours du soir en fleuristerie durant trois ans. J’ai ensuite participé à un concours international d’art floral, où j’ai été repéré par une chasseuse de talents, qui m’a fait entrer chez Daniel Ost. J’ai travaillé durant neuf ans à ses côtés. Il m’a enseigné des tas de choses sur les fleurs et leur univers, que l’on ne peut apprendre que par la transmission. Quand M. Ost a pris sa retraite, je me suis lancé seul…
B-H : Comment avez-vous ouvert les portes de l’hôtellerie ?
D.O. : C’est l’hôtel Amigo *****, qui m’a contacté, en 2019. Ils voulaient, à l’instar du George V à Paris, disposer d’un fleuriste dans leurs murs, pour garantir une fraîcheur constante des fleurs et offrir un service propre à leur clientèle. On a développé le projet durant quatre mois avant d’ouvrir un atelier floral au sein de l’hôtel le 14 février 2020. Le covid est venu tout bouleverser… À la sortie de la pandémie, j’ai ouvert ma boutique, Do Flowers, rue du midi, à quelques mètres du palace. Nous sommes ouverts 24h/24, 7 jours sur 7 ; cela nous permet de répondre en permanence aux demandes de nos clients. Nous travaillons évidemment toujours avec l’Amigo, où nous avons ré-ouvert l’atelier, mais aussi avec le Juliana****, le Radisson ****, les hôtels 9 ****, l’hôtel-boutique Craves*** et depuis peu, le Marriott****. D’autres collaborations s’ajouteront en 2024, à Bruxelles, mais aussi à Paris et à Rome. Nous offrons également nos services aux particuliers.
B-H : Comment s’opère le travail avec des hôtels de luxe ?
D.O. : C’est un travail à part, qui n’a rien à voir avec celui que l’on peut effectuer chez un particulier. Chaque hôtel a sa ligne directrice. Au Radisson, vous trouverez des bouquets plus graphiques par exemple. Si l’Amigo est plus classique, j’y ai toutefois carte blanche. Je fais évoluer les bouquets au fil des saisons et de ma créativité. Je peux proposer aussi bien quelque chose de très moderne que du très classique ou du champêtre. Tout en veillant à conserver un haut niveau d’esthétique en phase avec ses cinq étoiles. Pour les bouquets-cadeaux offerts aux clients, on reste en revanche dans une forme classique.
B-H : Quels espaces fleurissez-vous ?
D.O. : Concrètement, on fleurit le hall de réception, les espaces communs, les chambres… Pour celles-ci, nous devons soigner les plantes et fleurs qui s’y trouvent. L’hôtel Amigo compte ainsi 183 chambres, avec des orchidées qui nécessitent des soins particuliers. On doit jouer avec le timing, l’occupation des chambres… Ce boulot s’étend, à lui seul, sur trois jours. C’est très précis. Il faut aussi sans cesse préparer des bouquets, nettoyer des fleurs, retirer celles qui se fanent dans les bouquets installés… Ceux-ci tiennent généralement une semaine. Quand une suite est louée par exemple, il faut d’office prévoir un bouquet ; en plus de préparer les fleurs, il faut prendre le temps de les mettre en vase de manière artistique. On s’occupe également de l’entretien de toutes les plantes vertes. À l’Amigo, on fleurit le restaurant Bocconi et sa terrasse. Pendant deux ans, on a misé sur un concept d’herbes méditerranéennes. Cette année, comme ils ont changé la déco, on a réalisé une terrasse fleurie, avec des plantes qui ont fleuri tout l’été : roses, hortensias, fleurs de tabac… Au Juliana en revanche, on travaille essentiellement avec des plantes vertes, au Radisson, avec des plantes tropicales. Tout cela demande encore et toujours un entretien constant.
« Chaque hôtel a sa ligne directrice. Au Radisson, vous trouverez, par exemple, des bouquets plus graphiques. »
B-H : Vous devez également prendre en charge les demandes particulières de la clientèle. Certaines doivent parfois représenter un défi…
D.O. : Tout à fait (il rit). On a parfois des clients qui sont allergiques au pollen, d’autres qui ne supportent pas certains parfums. C’est un point que l’on doit prendre en compte, surtout pour les bouquets installés en chambre. Petite parenthèse à ce propos : il faut savoir qu’une fleur qui sent ne tient pas. Une rose de jardin tient maximum trois, quatre jours une fois qu’elle a été coupée. Quant à une rose de serre, elle peut tenir dix jours. On rencontre aussi des cas plus particuliers encore, comme en mai dernier, lorsque le mari d’une célébrité a demandé un bouquet d’orchidées blanches pour la fête des mères… le lendemain matin ! Heureusement, nous sommes parés à répondre à ce type de requêtes. Nous travaillons avec deux fournisseurs belges (dont le nom sera tenu secret, ndlr.) implantés dans les plus grosses criées des Pays-Bas. Ils sont hyper réactifs, ce qui nous permet d’assurer des commandes très soignées et dans les plus brefs délais.
B-H : Tout cela représente un travail énorme, comment facturez-vous ?
D.O. : On travaille en partenariat avec l’Hôtel Amigo, car tout ce qu’il y a à faire sur place exige un temps plein, avec une personne en permanence, aidée par un membre de l’équipe du palace. Dans les autres établissements, on applique plus ou moins le même tarif chez chacun, sur le principe de vente au comptoir.
B-H : Quel est votre plus gros challenge au quotidien ?
D.O. Réagir aux demandes de dernière minute dans les temps, tout en conservant notre haut niveau de qualité. On doit aussi cerner avec précision les demandes de la clientèle. Il faut pour cela aussi bien connaître les subtilités culturelles, pour éviter les impairs ; chaque nationalité a en effet une relation aux fleurs différente. Ainsi, on ne met pas de fleurs blanches dans un bouquet pour des clients chinois ; alors que pour des clients arabes, il en faut impérativement. Pour la clientèle des pays de l’Est, il faut faire attention au nombre de fleurs qui composent le bouquet… Autant de choses qu’une fois encore, on n’apprend pas à l’école, mais uniquement sur le terrain. Je remercierai toujours Daniel Ost pour tout ce qu’il m’a transmis. Je m’attache d’ailleurs à mon tour aujourd’hui à former de jeunes fleuristes à cette profession fantastique !
« Chaque nationalité a sa propre relation aux fleurs. Ainsi, on ne met pas de fleurs blanches dans un bouquet pour des clients chinois. »
Quand les hôtels se mettent au parfum
Aujourd’hui, la clientèle attend des établissements haut de gamme une expérience globale, où tous ses sens seront suscités. Depuis quelques années, une attention particulière est portée à l’identité olfactive. On décrypte…
Par Sigrid Descamps. Photos : Hilton Brussels Grand Place, Steigenberger Icon Wiltcher’s Brussels, Unsplash.
Le saviez-vous ? 75% de nos émotions sont impactées par les odeurs, qui génèrent des tas de souvenirs. Des études ont en outre démontré que le fait d’être plongés dans un environnement olfactif agréable amplifie notre sentiment de satisfaction. On comprend dès lors l’importance du choix d’un parfum d’intérieur dans des espaces dédiés au bien-être, dans des boutiques, mais aussi, dans les hôtels et même, les restaurants. En particulier dans les plus luxueux d’entre eux. « Les odeurs réactivent la mémoire et les souvenirs de manière intense, commente Erik Le Roux, Associate Director Marketing & Communication du Steigenberger Icon Wiltcher’s Brussels. Lors du passage de l’hôtel au rang d’Icon (qui désigne les établissements les plus luxueux du groupe hôtelier allemand, ndlr), nous avons décidé de porter une attention encore plus marquée à l’identité olfactive, avec l’aide, notamment, de parfumeurs grassois. Nos parfums ont ensuite été développés en Allemagne. Nous voulions y transcrire l’ADN de la marque : comme l’hôtel compte pas mal de boiseries, vous y retrouvez donc des notes boisées et du santal. Et les couleurs de la marque jouant désormais sur les tons orangés, on a aussi ajouté un côté hespéridé, avec des notes d’agrumes, et des touches cuivrées. »
Un parfum qui colle au lieu
« Ce sont toujours les premières impressions qui comptent, confirme Ellen Deboeck, General Manager du Hilton Brussels Grand Place. L’odorat est le premier sens à percevoir, avec une avance de cinq secondes sur les autres. L’odeur fournit aux clients des informations avant que le rôle visuel ne soit pleinement établi. Les parfums de signature dans un hôtel ont une signification plus large que le simple fait de ‘sentir bon’ : il s’agit d’exprimer une certaine atmosphère. Pour le Hilton, il était important de choisir un parfum doux, qui ne soit jamais écrasant. Il fallait qu’il donne l’impression de se sentir chez soi, qu’il soit chaleureux et confortable, toujours présent mais jamais trop. J’ai opté pour une senteur subtile et douce représentant un peu l’esprit de mon équipe. »
Pour développer sa fragrance, le grand hôtel 4 étoiles a fait appel aux services d’Ambius (www.ambius.be/fr/scenting), spécialiste de l’aménagement intérieur, à l’origine des parfums de plusieurs établissements prestigieux à Bruxelles, dont le Hilton Grand Place donc, mais aussi, The Hôtel. Sven Van Waelderen, Account Manager chez Ambius : « Notre métier consiste à amener de la ‘couleur’ dans les espaces, à y insuffler par l’odeur une sensation d’accueil chaleureux. L’un des défis est évidemment de parvenir à créer une odeur propre à chaque lieu. Il faut qu’elle soit reconnaissable, afin que lorsque les clients se retrouvent à nouveau en sa présence, ils repensent à l’hôtel. Nous élaborons nos parfums en fonction des demandes des lieux, mais aussi de leur atmosphère. Nous cernons leurs besoins, leurs couleurs… et nous développons ensuite les fragrances avec Firmenich, une firme suisse de renommée mondiale, qui crée des parfums depuis plus de 125 ans. »
De multiples canaux de diffusion
Une fois mis au point, le parfum peut alors être émis dans les différents espaces de l’établissement. Dans le cas du Hilton, cela se fait par le biais de diffuseurs, régulièrement réapprovisionnés. Sven Van Waelderen : « Nous proposons aux hôtels un contrat de location full service, avec un forfait incluant l’appareil et son entretien. L’hôtel ne doit s’occuper de rien, nous savons exactement combien de fois par an et quand nous devons envoyer quelqu’un pour assurer le suivi et le réapprovisionnement. Les tarifs varient en fonction de la superficie, des heures d’ouverture, du nombre de diffuseurs nécessaire, de la zone à parfumer… Le prix ne sera par exemple pas le même pour un diffuseur installé dans les toilettes que pour ceux dans le lobby ou les couloirs. Cela peut varier de 25 euros à plus de 70 euros par mois, hors taxes, par appareil. »
Au Steigenberger, plusieurs moyens de diffusion sont utilisés. « Dans les couloirs, le personnel d’entretien passe avec des sprays pour imprégner les tapis ; dans les espaces ouverts au publics, nous avons mis en place des diffuseurs, et nous allons en installer au plafond afin de diffuser le parfum de manière plus agréable et plus subtile, explique Erik Le Roux. Enfin, dans différents espaces, où les gens s’attardent et où l’odeur doit être plus marquée, comme dans les toilettes par exemple, nous utilisons des rappels sous forme de bâtons. » Et de préciser : « Nous réglons l’intensité selon les saisons, plus subtile en été, plus marqué en hiver. »
Des souvenirs à emporter
Du côté de la clientèle, les retours sont positifs. Ellen Deboeck : « Lorsque nous avons implémenté les parfums, de nombreux clients nous ont fait des compliments et ont fait des commentaires positifs lorsqu’ils franchissaient la porte d’entrée ; cela leur rappelait un endroit familier – exactement ce que nous voulions réaliser. »
De là à ce que certains aient envie d’emporter un flacon ou une bougie, il n’y a qu’un pas… On peut cependant imaginer que la demande doit être suffisamment conséquente avant de faire produire le parfum en contenants à emporter. Un choix qui appartient à chaque hôtel. Dans le cas du Steigenberger, l’idée fait son chemin : « Nous planchons sur le développement du parfum sous forme de bougies, des bâtonnets et de petits parfums de voyage ». De quoi offrir à la clientèle un souvenir à glisser dans ses bagages… qui en réveillera d’autres une fois de retour chez elle !
Dans les restaurants aussi…Les établissements gastronomiques portent également une attention particulière à l’identité olfactive. Ainsi, pour les espaces d’accueil de trois de ses établissements – Odette en Ville – Villa Lorraine et Lily’s – , Serge Litvine a fait développer des parfums sur mesure par le parfumeur franco-libanais Rami Mekdachi. « Pour Odette en ville, nous avons choisi un parfum où la rose domine; pour La Villa, nous avons travaillé sur un mélange d’orange amère et de santal ; pour Lily’s, nous avons choisi une fragrance qui renforce l’atmosphère ‘boudoir’ du lieu. Nous utilisons des diffuseurs – installés exclusivement dans l’entrée pour éviter toute interaction avec les odeurs des plats -, que nous ré-approvisionnons nous-mêmes régulièrement, tous les deux mois environ. Pour Odette en Ville et pour la Villa Lorraine, nous avons en outre fait produire des bougies parfumées, réservées à la vente. Les clients peuvent les acheter au prix de 35 euros pièce. » Ces bougies sont disponibles notamment dans les boutiques traiteurs de la Villa Lorraine. |