Grégory Sorgeloose, co-gérant du cabinet Sorgeloose & Trice, spécialisé dans la cession de commerces Horeca, revient sur cette nouvelle espèce en voie d’apparition.
Mais pourquoi voit-on poindre à chaque coin de rue, même le plus insignifiant, des bars à café, tous plus modeux et léchés les uns que les autres, et a fortiori tous remplis ? Vous pensiez que Seven était la dernière perle ? Raté, au rayon des pépites, il faut désormais compter sur Wayne. Mais à peine ce dernier ouvert, on voit le Café de la Presse inaugurer son nouvel opus proche de la Gare Centrale. Tout ça sans compter le récent classement des meilleurs bars à café du monde, rien que ça, dans lequel Bruxelles place 2 établissements dont un en 16ème place !
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Quelle force obscure pousse vers l’avant cette tendance devenue lourde dans nos centres urbains, désormais décomplexés et dévergondés autour de cette boisson pourtant ultra classique voire ringarde qu’est le café, renvoyant la célèbre et adulée marque Starbucks au rayon des rebuts ?
L’épisode « Armageddon » qu’était le Covid a rabattu les cartes dans quantité de domaines, dont notamment celui du (télé)travail. Les habitudes ont changé, tout comme les relations humaines qui en découlent. Désormais il est plus « in » de partager un Flat White ou un Espresso Tonic Yuzu entre copines, ou échanger avec son laptop sur un coin de banquette, un cinnanom roll de chez Trucmuche collant aux doigts, que de changer le monde autour d’une tournée de 33cl au comptoir d’un vieil estaminet poussiéreux.
Mais avant toutes choses : pourquoi le café ?
Si nos aïeux se prêtaient volontiers à des réunions chaleureuses dans des grottes… enfin non, plutôt dans de vieux troquets chaleureux, s’offrant en spectacle autour de tournées pas minérales, pour terminer parfois dans le caniveau, la génération Z sait que l’alcool bousille les neurones et fait perdre le contrôle. Or pour (ap)paraître dans ce monde hyperconnecté, il faut une maîtrise de soi. Cette génération ultra connectée sait qu’un faux pas dans la posture peut lui coûter cher en termes de désirabilité ou de potentiel de vente de sa personne. Le sans alcool est au centre de toutes les attentions, et l’artisanal de même. Qui mieux que le café pouvait prétendre à ce rôle de Star ultime? Il est authentique, sourcé, végane, sans alcool. Il a pour seul souci de venir de loin, mais oublions ce détail, au Diable l’avarice !
Les marques locale pullulent désormais autant que les concepts de coffee spots, offrant des expériences inédites. Le café se déguste ou se boit, dans des formes et contenants variés, même en, canettes ! Tentez cette expérience simple auprès de la génération X : proposez leur de mélanger Tonic et Expresso. Leur visage risque de faire la grimace. Et pourtant, osons le dire : ce mélange détonnant est l’un des derniers breuvages dont on parle, et, en toute franchise, il détonne par ses arômes subtils et envoie vraiment du lourd, un vrai plaisir !
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Mais le café est aussi cette boissons réconfortante, rassurante et douce, consommée aux quatre coins de la planète, symbole de bon temps, de temps libre et de laisser-aller, dans un monde toujours autant connecté où les pauses se font rares. Le café vit une renaissance et se dévergonde totalement, sortant des carcans où il était relégué depuis belle lurette à l’après-repas ou aux infectes machine automatiques de bureaux, à côté de la photocopieuse, lieu de toutes les confidences. Le café offre désormais une expérience feel good et devient l’une des façons les plus plébiscitées de socialiser.
Il y a café et… café !
Pour les plus ancien-ne-s d’entre nous, l’expérience café, jusqu’il y a quelques années, se limitait à quelques grandes marques-bateau, sans véritable autre intérêt que de vous donner une dose de caféine, au cas où votre réveil avait buggé. Mais la petite baie verte, arabica ou robusta, a acquis ses lettres de noblesse, et ceux qui le cultivent autant que ceux qui le torréfient, ont compris toutes ses nuances et les marchés de niche auxquels ils ont donné vie. A propos de marché : le Belge consomme en moyenne 19,5 millions de tasses de café par jour et est entré dans le Top 10 des pays grands amateurs de café ! Avec un tel marché, pour sûr, il y a encore un large potentiel de croissance. Et le café, désormais comme les burgers ou les pizza, a ses propres afficionados. Les marques y sont fortes et les codes qui s’y accrochent créent de véritables communautés. Que cela soit Wide Awake, Corica, Mok, La Baie ou d’autres, tous ont créé leur bestiaire propre, fédérant une clientèle adoubée, faisant partie du « mouvement ».
Et du côté purement commercial de la chose ?
Comment gagner sa vie en vendant des espresso à 3€/pc ? La question mérite d’être posée. Il conviendrait toutefois d’inverser l’angle d’approche, et constater qu’à part un décor souvent soigné, le barista n’a besoin que d’un seul outil : sa rutilante bécane inoxydable, idéalement 3 groupes, sans oublier une formation pro indispensable pour acquérir ce savoir-faire ancestral, mêlant la flamme, l’eau et la baie. Bref, tout ça pour dire que ces lieux ne sont jamais grands de taille, souvent très joliment décorés et ne nécessitent que peu ou pas de personnel qualifié. Outre ces particularités, les bars à café ont une clientèle non-stop tout au long de la journée (ce qui n’est pas le cas des restos et des brasseries, voire des bars à vin ou à cocktails), ne provoquent aucune nuisance olfactive ni de bruit, tout en fermant généralement les volets dès 18h00. Plutôt soft, et aucune baston généralisée à prévoir à la fermeture, et ça : ça n’a pas de prix ! Enfin, dans le pire des cas, le marc de café restant vous permettra de lire l’avenir et connaître la date de passage de votre contrôleur fiscal. Bref, des atouts, et encore des atouts, surtout si vous développez votre concept sous forme de chaîne, avec les économies d’échelle qui vont de pair.
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